À l’occasion de la sortie du Roi Lion au théâtre Mogador, voici un décryptage de l’histoire. Une organisation du monde qui emprunte bien plus à notre réalité politique et sociale qu’il n’y paraît. À travers la répartition des rôles entre lions, hyènes, zèbres, girafes et autres animaux, Disney esquisse, sans forcément le revendiquer, une forme de société pyramidale où l’ordre naturel semble justifier la domination des uns et la relégation des autres. Parmi ces laissés-pour-compte, les hyènes occupent une place singulière. Ils deviennent, à bien y regarder, le symbole d’une classe sociale exclue et marginalisée.
Le récit repose sur une structure monarchique héréditaire, incarnée par Mufasa puis Simba, figures du pouvoir légitime. Les lions règnent sur la Terre des Lions et bénéficient d’un respect unanime. Leur autorité est présentée comme naturelle, inscrite dans le fameux « cycle de la vie ». Cette idée, répétée comme une vérité immuable, impose un ordre vertical où les dominants assurent la stabilité du royaume. On retrouve ici l’analogie avec les régimes aristocratiques ou monarchiques. Ils justifient leur pouvoir par l’harmonie supposée d’un ordre naturel ou divin.
Les animaux du Roi Lion ont une place déjà définie
Autour des lions gravitent divers groupes d’animaux. Les zèbres, antilopes et autres herbivores incarnent la population laborieuse et silencieuse. Ils apparaissent rarement comme individus, mais forment une masse utile et soumise. Ces animaux célèbrent les naissances royales et fuit face au danger. Ils ne gouvernent pas, ne prennent pas part aux décisions, mais sont les premiers affectés par les dérèglements du royaume, comme lors de la famine qui suit le règne de Scar. Les oiseaux, représentés par Zazu, remplissent une fonction administrative. Ils assurent la communication et la surveillance au service du pouvoir, une sorte de haute bureaucratie loyale à la couronne.
Les singes, en la personne de Rafiki, occupent quant à eux une position plus ambiguë. Sages et mystiques, ils sont les gardiens de la mémoire et les médiateurs symboliques entre le passé et le présent. Leur rôle se rapproche de celui des conseillers philosophiques ou des autorités religieuses, consultés mais détachés du quotidien du pouvoir.
Et puis, il y a les hyènes. Rejetées au-delà des frontières, elles vivent dans l’Ombre, un lieu désertique et aride, tout juste bon à être mentionné comme un endroit à éviter. Elles ne participent pas aux célébrations, ne bénéficient d’aucune reconnaissance, et ne sont jamais évoquées comme des membres à part entière du royaume. Elles incarnent une forme de sous-classe sociale, tenue à l’écart de l’économie du royaume, réduite à l’errance et à la prédation, non par nature, mais par nécessité. Leur comportement agressif, leur voracité, leur ricanement perpétuel deviennent alors moins des traits intrinsèques que les symptômes d’une exclusion systémique.
Le tournant de Scar
L’arrivée de Scar au pouvoir marque un tournant. En promettant aux hyènes nourriture et reconnaissance, il renverse temporairement l’ordre établi. Mais cette ouverture, présentée comme une trahison de l’harmonie, conduit à la ruine du royaume. Les ressources s’épuisent, la terre devient stérile, le chaos s’installe. Le message implicite est lourd de sous-entendus, intégrer les exclus, c’est risquer la chute. Le film semble ainsi condamner toute remise en cause de la hiérarchie sociale, préférant le retour à une monarchie ordonnée plutôt que l’inclusion des marges.
On peut y lire une métaphore des sociétés modernes dans lesquelles les classes dominantes (politiques, économiques, ou culturelles) se maintiennent en invoquant l’ordre naturel ou la tradition. Les hyènes deviennent alors l’image des populations marginalisées. Les classes populaires oubliées, les minorités reléguées à la périphérie, perçues comme une menace dès qu’elles revendiquent une place à la table commune. L’idée que leur intégration provoquerait la décadence du système reproduit des discours bien connus sur le déclin, l’ordre social, et la peur de l’égalitarisme.
Sans tomber dans une lecture univoque, Le Roi Lion peut donc être vu comme une fable politique, où la question du pouvoir, de l’exclusion et de la légitimité traverse toute la narration. Le film ne fait pas qu’amuser ou émouvoir, il propose, à travers le prisme animalier, un miroir de nos propres sociétés. Un miroir dans lequel certains règnent en haut de la colline, pendant que d’autres rient nerveusement dans l’ombre, condamnés à rester en dehors du cercle de la vie.
Après la comédie musicale était top, allez-y.
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