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Vie de chien

Posté par Ju le Zébu 22 février 2018

Vous pensez être quelqu’un de plutôt bien et vous avez sûrement raison.

En rentrant chez vous, un jour d’été ou d’hiver, sur une route de campagne ou en marchant en ville, vous apercevez au loin un chien qui, visiblement, erre. Plusieurs indices vous poussent à croire qu’il est abandonné : cotes saillantes, regard craintif, odeur forte (même pour un chien), pas de collier ou autre signe d’appartenance et pourtant il ne part pas en courant, il s’approche même un peu de vous. Il n’a pas peur de l’Homme.

Vous décidez de l’emmener avec vous. En voiture, à pieds. Il vous suit. Vous allez essayer de retrouver son maître. Ou au moins lui trouver une situation plus confortable et certaine que la rue.

Première chose à faire : aller chez un véto. Ce dernier pourra vous dire si l’animal est pucé et donc éventuellement prendre contact avec son maître. Cependant, si le jour est déjà sur le déclin, vous allez devoir attendre le lendemain matin. Cela signifie héberger l’animal, soit le mettre à l’abri, le nourrir, le tenir un peu à l’œil et s’il le veut bien lui témoigner un peu d’affection. Selon votre situation cela sera plus ou moins évident. Les réticences des gens avec qui vous vivez seront certainement le plus grand obstacle. Il se peut aussi que de jeunes enfants (ou adultes sympathiques) se prennent tellement d’affection pour lui, qu’ils ne voudront plus le laisser partir ! Situation moins critique que la première mais qui peut occasionner une certaine gêne. Vous n’avez pas de nourriture « pour chien » et lui préparez quelque chose de consistant (une plâtrée de féculent, un peu de viande si vous en avez) et de l’eau. Le chien se gave littéralement, il y a des chances pour qu’il ne se soit pas vraiment nourri depuis longtemps (vous faites attention à ne pas trop lui donner de nourriture d’un coup pour éviter ballonnements et autres désagréments digestifs pour lui).

Lorsque vous vous rendez chez le vétérinaire du coin avec l’animal passablement repu, vous découvrez si ce dernier est pucé ou tatoué. Si l’animal est bien répertorié, on contactera le propriétaire. Option 1 : le maître éploré vous remercie et vient chercher son chien adoré. Happy End. Option 2 : la personne au bout du fil nie avoir un chien et n’en veut pas. Que se passe-t-il alors ?

C’est le même cas de figure que dans la situation où le chien n’est pas répertorié : fourrière ou accueil provisoire chez un particulier (vous généralement). Les chiens errants sont la responsabilité de la municipalité qui a donc à sa disposition un ou plusieurs chenils. Vous n’êtes pas naïf et avez une idée plus ou moins précise de l’insalubrité de ces lieux. Parfois, les chiens y sont à moitié abandonnés, sous-alimentés, maltraités. Heureusement, dans certains cas se sont des passionnés et amoureux des chiens qui s’en occupent (ne soulagez cependant pas trop vite votre conscience en considérant cette possibilité).

Le chien devra obligatoirement y passer huit jours. Ce laps de temps est prévu par la loi pour que le propriétaire le réclame. Huit longues journées très incertaines après lesquelles d’après la loi 99-5 (relative aux animaux dangereux et errants et à la protection des animaux) : « […] si l’animal n’a pas été réclamé par son propriétaire, il est considéré comme abandonné et devient la propriété du gestionnaire de la fourrière[…] ».

Si vous en avez la possibilité, vous accueillez l’animal chez vous plutôt que de l’envoyer à la fourrière. Les huit jours s’appliquent également. Même si vous vous attachez à l’animal au point de vouloir le garder son propriétaire peut le réclamer pendant cette période.

Dix jours sont passés et personne n’est venu récupérer ou réclamer le chien. Son destin est soit entre vos mains, soit entre celles du propriétaire du chenil, sachant que jusqu’à présent c’est la commune ou communauté de communes qui paye le séjour de ce compagnon à quatre pattes. Le tarif d’une semaine en chenil varie d’un lieu à un autre. Dans la ville de Bressuire à titre d’exemple (Nord Deux-Sèvres, Poitou-Charentes), la semaine s’élève à 140€ par chien. Tous ne sont pas des amis des bêtes ; le calcul peut être vite et la solution facile : l’euthanasie.

Au chenil de Bressuire (cf LNR), un chien sur cinq seulement est récupéré par ses maîtres. Le propriétaire doit alors régler les frais de garde et l’identification de son compagnon (le faire pucer, d’après la loi de 1999 toujours). L’aspect financier de ses retrouvailles (140€ environ + puçage entre 50 et 100€) est la raison principale pour laquelle les propriétaires ne viennent jamais chercher leur compagnon poilu.

Une perspective plus réjouissante est l’adoption. Une association (SPA, 30 millions d’amis mais aussi plusieurs plus petites organisations locales et réseaux sociaux), le propriétaire du chenil, le véto du coin, vous-même, travaillez à lui trouver une famille digne de confiance. C’est une épreuve fastidieuse avec souvent un sentiment d’urgence. Il est tellement plus simple d’adopter un chiot à l’histoire vierge plutôt qu’un toutou adulte, parfois moche bien que gentil. Cependant, il y aura, espérons-le, toujours quelqu’un pour vouloir de lui.

Vous êtes quelqu’un de bien. Ce chien aussi. Mais de A à Z dans sa vie, tous les changements, bons ou mauvais, auront été déterminés par les hommes. C’est le propre de la domesticité. Entre vos mains, entre nos mains, il va souffrir ou prendre plaisir, vivre ou mourir. Parfois, vous n’aurez pas le choix et c’est la loi qui prendra le pas. Mais ce n’est pas la loi du chien, c’est encore la nôtre. Il n’y a pas à dire, c’est une vie de chien. En France, ce sont près de 100 000 animaux domestiques (chiens et chats) qui sont abandonnés chaque année. 60 000 l’été. Un crime ordinaire, d’ampleur nationale.

 

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