Culture

Hanabi, le jeu coopératif qui égayera vos soirées (et sauvera peut-être votre couple)

Posté par Nathanael 2 septembre 2018

Lors de mes dernières vacances, j’ai eu l’occasion de découvrir une petite perle, dont j’aimerais vous faire part aujourd’hui: un jeu de carte coopératif. Et pas n’importe quel jeu de carte coopératif: Hanabi. 

Hanabi est le seul jeu de carte coopératif que je connaisse pour l’instant. Vous me direz: “Oui, mais il y a des trucs plus graves dans le monde”, et vous aurez raison, mais j’ai lu qu’en Arménie, les élèves avaient des cours d’échecs obligatoires – et pour moi, ce jeu-là aurait totalement sa place dans le cursus d’un pays à l’éducation hyper-progressiste, genre la Suède. Ou la Finlande. Enfin là-haut, quoi.

Je vous décris vite fait le concept général, mais je vous prierai d’aller voir en complément la règle du jeu (que vous trouverez là: http://jeuxstrategie1.free.fr/jeu_hanabi/regle.pdf ).

Les règles du jeu

Le but du jeu est de construire des feux d’artifices (Hanabi en japonais) – il y a cinq couleurs et les cartes sont numérotées de 1 à 5, qu’il faudra disposer dans l’ordre croissant. Chaque joueu.r.se ne voit pas ses cartes, mais celles des autres – merci de lire cette phrase à nouveau, c’est le principe central du jeu! Lorsque que c’est à son tour, chaque personne a le choix entre donner une information (ce qui coûtera un “jeton”, 6 sont disponibles en début de partie), jeter une carte (seule action disponible lorsqu’aucun des jetons ne sont disponibles – et jeter une carte permet d’en regagner), ou en jouer une.

Jouer une carte, cela implique avoir assez d’informations pour savoir laquelle jouer, ou extrapoler grâces aux informations disponibles – car chaque personne ne connaît de son jeu que ce qui lui a été dit (encore faudrait-il s’en rappeler). De même pour jeter une carte : il y a trois 1 par couleur, mais un seul 5. Si je le jette par erreur, le score maximum n’est plus accessible : il est donc capital de savoir si j’en ai dans mon jeu.

Donner une information, l’action phare du jeu (bien plus que de jouer une des cartes) se transforme en une stratégie communicative complexe, qu’il s’agit de déchiffrer, d’interpréter – d’autant plus que les règles sont strictes : je me dois d’indiquer toutes les cartes de la même couleur ou du même numéro. Si la carte que je veux voir jouer est un 2 rouge, mais qu’un autre 2, ou une autre carte rouge est disponible dans le jeu de mon ou ma camarade, mes capacités à faire comprendre que cette carte est importante se restreignent aux capacités de mes camarades à lire entre les lignes, grâce aux informations déjà disponibles.

Tant que nos stratégies se basent sur des arguments logiques, libre à nous de – par exemple –  ranger nos cartes comme nous le voulons – la plus vieille à gauche, la plus récente à droite. Car évidemment, je ne peux pas jeter tout de suite ma nouvelle carte : mes camarades pourraient n’avoir pas encore eu le temps de me donner l’information de son importance, sans doute à cause d’autres priorités plus urgentes.

1,2,3…. Communiquez!

Dans ce jeu, nous avons un but commun, et pour y parvenir, nous devons nous fier aux autres, et être attentifs. Nous ne pouvons gagner en solo, puisque nous ne voyons pas nos cartes. Toutes les stratégies, basées sur la logique, font appel à une interprétation de l’information basée sur une efficacité optimale de la communication, tout en la restreignant, par la structure du jeu, à son aspect minimal. Tout savoir est partiel, toute information est stratégique, et toute victoire est commune. S’il y a erreur, nous échangeons pour comprendre d’où vient l’erreur (en attribuant responsabilité mais pas faute), de manière à ne pas la reproduire le jeu prochain. Il peut s’agir d’une information mal donnée, d’une autre négligée malgré son importance, d’un oubli d’anciennes informations, d’une mauvaise interprétation, ou d’un cafouillage. Autant de situations qui rappelle la vraie vie – autant de parties qui la préparent au mieux!

Chacun de ces écueils communicationnels arrivent dans la vraie vie, dans toutes interactions prenant place entre deux personnes. Si une erreur arrive, il faut remanier le modèle de communication, mais les inattentions, oublis et mauvaises interprétations sont tant monnaie courante pour l’humanité qu’il faut les accepter comme telles: imprévisibles, inévitables, à tel point qu’il s’agit plus de prévenir et d’accepter – et ce, qu’importe les dommages collatéraux.

Ce jeu est également responsabilisant, puisque chaque joueu.r.se fait l’expérience immédiate des conséquences de ses choix, et que chaque joueu.r.se est seul.e à avoir accès à ces connaissances spécifiques: quelles cartes sont disponibles dans quelles mains? Iel doit décider quel.le joueur.se est potentiellement capable de donner une information dont la priorité se fera plus pressante si iel décide de faire autre chose. La réflexion est donc omniprésente. On compare, on questionne, on réfléchit: “Que sais-tu ?” est une des phrases les plus entendues du jeu. Chaque information est précieuse et décisive, mais doit s’intégrer dans une constellation, afin de pouvoir avoir un sens.

Mon meilleur ami m’ayant introduit à ce jeu lors de notre brève rencontre annuelle, nous y avons passé plusieurs heures par jour, à parler stratégie, logique, à expérimenter, à apprendre… A tel point que je me suis surpris moi-même à intégrer certains concepts dans ma résolution de conflit en couple! Ainsi, si une information est mal enregistrée dans le jeu, il s’agit de la répéter, afin d’éviter des erreurs – ce qui n’est pas forcément mon réflexe lors d’un malentendu en couple.

Ce jeu, c’est en quelque sorte pour moi une sorte de manifeste à la communication systématique. Je me surprends souvent à ne pas être très clair, à n’avoir pas formulé ma pensée correctement, voire à m’offusquer de ce qu’elle soit mal interprétée – situation encore plus fréquente au vu de ma situation, qui me permet de parler ma langue maternelle seulement une infime minorité de mon temps. Pourtant, à l’instar de ce jeu, j’ai un but plutôt clair dans ma relation de couple: parvenir à rendre notre vie commune la plus harmonieuse possible, et ce, sans distinction de la situation (vacances, gestion commune de notre budget, quotidien, toutes situations qui exige une interaction) – un but clairement utopiste, à moins d’une stratégie communicationnelle béton!

 

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