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Billet d’une enragée

Posté par Maxima 8 mai 2020

L’équipe Berthine a reçu dans sa boîte aux lettres un petit billet d’humeur d’une lectrice enragée… Une chronique dentaire à s’en décrocher la mâchoire !

C’est depuis mon 22m2 montrougien et avec une moitié de dent de sagesse que je vous écris. Je reviendrai sur les circonstances de cette mutilation plus tard…

12 avril 2020, dimanche de Pâques, chasse aux œufs dans l’appartement ! Avec ma copine, on se divise l’espace en deux. 9m2 chacune. Le couloir ça compte pas, c’est un challenge. La dopamine est à son plein potentiel quand soudain, une douleur se manifeste au niveau de ma dent de sagesse, côté inférieur gauche. Je me dis d’abord que c’est une bataille sans merci entre Kinder et mon émail qui se déroule dans ma bouche, et que Colgate y mettra fin rapidement. Le lendemain, le dentifrice fluoré appelle en renfort Fil dentaire, Synthol, Doliprane, en vain. Je commence à m’inquiéter…

14 avril 2020, la douleur s’accentue. J’appelle en soutien le centre dentaire pour avoir des conseils. Le cabinet est bien sûr fermé en ces temps de confinement. Une adresse mail est à disposition. J’écris. Une dentiste m’appelle, écoute mes symptômes et me propose d’intégrer à mon armée les Dafalgans codéinés. Elle me donne ensuite les numéros d’urgence du département Hauts-de-Seine si jamais la douleur persiste.

16 avril 2020, j’appelle (15 fois) le numéro d’urgence avant d’avoir quelqu’un.

« Vous avez pris les Dafalgans prescrits ? Parce qu’en ce temps de crise, il faut accepter de se shooter un peu plus et patienter jusqu’à la fin du confinement. En urgence on ne prend que les mâchoires cassées et les hémorragies. »

Je me shoote donc.

19 avril 2020, le médicament fait ses preuves durant la journée mais toutes les nuits, l’ennemi attaque par surprise et impossible de réveiller mes soldats pour me défendre. Désemparée, ma dentiste propose un renforcement des légions et me prescrit des antibiotiques. Malheureusement, leur efficacité est surestimée et la douleur se fait de plus en plus forte. Je fais une crise de douleur par jour à vouloir me taper la tête contre les murs et suis obligée de dormir assise. Je décide donc de rappeler le numéro d’urgence des Hauts-de-Seine. Super, rendez-vous avec un dentiste de garde cet après-midi !

Amen !

Hum, pas trop vite…

Le dentiste me dit qu’il s’agit d’un début d’infection. La consultation dure 10 minutes. Il ajoute des antidouleurs à mon bataillon et me dit qu’il faudra attendre la fin du confinement… Nous sommes le 22 avril.

La nuit, je me réveille toutes les heures. Antidouleurs, antibiotiques, synthol, clous de girofle, eau chaude, position debout, la marche… mes troupes s’affaiblissent.

Vendredi 24 avril 2020, nuit blanche. Je n’en peux plus. Sous les conseils d’un ami dentiste, devenu aujourd’hui mon sauveur, j’appelle le numéro d’urgence de Paris. J’arrive enfin à me faire entendre. Direction les urgences dans l’après-midi. Je prépare mon sac. Ma copine rajoute des livres, mon casque d’écoute, ma bouteille d’eau, mon goûter (je veux dire mes antibios) et mon chargeur. J’ai l’impression de partir en expédition.

Il est 13h15, je descends les escaliers de la station tel un zombie mais la perspective de me faire soigner me redonne un peu d’espoir.

Le métro arrive et me voilà enfin seule dans le wagon. Mon esprit de réalisatrice me joue des tours : «T’imagines un tournage là, maintenant, tout de suite ? Le métro parisien à toi toute seule !».

Ah, une femme entre. Elle me voit. C’est la panique. Ses yeux tournicotent dans tous les sens par dessus son masque rouge à pois blanc, elle ne s’attendait pas à me voir là.

Denfert Rochereau… J’ai dit Denfert Rochereau ! Ah merde, c’est ma sortie. Je me dirige vers la ligne 6. Il n’y a personne autour de moi mais je me surprends à marcher très vite. Eh oui, le réflexe est bien ancré.

La 6 arrive. Aïe. Vous êtes souples ? C’est le moment de montrer vos talents. Jambe droite d’abord, garde l’équilibre, fléchis, tourne sur toi même pour éviter le monsieur assis à gauche, ensuite déplacement stratégique en diagonale, rentre le ventre, tourne la tête, lève le bras gauche, courage courage et hop-là c’est bon ! Finalement pas si différent de d’habitude sauf que là, on était 4 dans le wagon.

J’arrive enfin aux urgences. J’attends deux heures et demie. Radio. C’est une carie, beaucoup d’inflammations et un début d’infection (flashback to le premier dentiste qui n’a même pas vu la carie). On me propose d’enlever la dent de sagesse.

Mazel Tov !

Hum, pas trop vite…

Anesthésie. Une, deux, trois piqures… Vous sentez là ? Bon. Quatrième piqure. Mon cœur s’accélère. Vous sentez encore ? Cinquième piqure. Je commence à devenir rouge, j’ai chaud. Je respire profondément pour me calmer. Encore ? Sixième piqure.

L’anesthésie monte sur mon visage, mon œil commence à palpiter sévère. Impossible de le contrôler. Je commence à m’inquiéter mais apparemment c’est normal. Ça doit être le stress ou la fatigue. Flashback to my nuit blanche

Le dentiste me dit que je suis trop faible pour la chirurgie de la dent de sagesse. Ils vont quand même m’enlever le nerf pour soulager la douleur.

Yallah !

Hum, pas trop vite…

Chirurgie du nerf, six piqures d’anesthésies presque inefficaces. J’ai failli envoyer valser tous les instruments du dentiste et lui avec… Durant l’opération :

«Vous avez dû avoir très mal d’après toutes les inflammations que je vois… Vous avez vraiment choisi le pire moment pour vous faire ça. Pourquoi vous avez attendu si longtemps pour venir ? »

(Flashback to le con**** qui m’a dit de me shooter jusqu’au 11 mai).

Une semaine plus tard, croyant toute cette histoire derrière moi, je croque dans une de ces brioches Harrys qui se veulent moelleuses et responsables. Je sens avec horreur un morceau de ma dent me fausser compagnie et tomber comme une lâche dans mon assiette en céramique.

Adieu.

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