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Angoissé·e du déconfinement ? Tu as le droit !

Posté par Loupche 10 mai 2020

Je fais partie des privilégié·e·s de la situation actuelle : je ne suis pas en première ligne, je n’ai qu’à rester chez moi, et mon travail n’est que peu impacté par le confinement. Cet article parle de mon expérience, et mon point de vue se place donc dans un contexte privilégié qu’il est important de noter. 

Je suis quelqu’un de plutôt extraverti. Ma saison préférée, c’est le printemps. J’adore boire un verre en terrasse avec les gens que j’aime, et faire des piques-niques au parc ou au bord de l’eau. J’aime sortir tous les jours, aller travailler à plusieurs, faire un peu de shopping, aller à la salle de sport, partir en vacances et bronzer au soleil.

Pourtant, depuis l’annonce du déconfinement, je suis encore plus angoissée qu’au mois de mars. 

Alors oui, le retour à la normale est encore très loin, il faut porter des masques quand on interagit avec autrui, une crise économique nous pend au nez, et la liste est longue de tout ce qui pourrait justifier une anxiété du déconfinement.

Mais il y a plus que ça. Nous sommes des êtres d’habitude. Et, en deux mois, nous avons eu le temps d’en instaurer de nouvelles. Ne pas sortir tous les jours. Ne plus voir ses ami·e·s. Ne plus prendre le train, ou le bus, ou la voiture. Ne plus aller faire de grandes balades. Ne plus flâner dans le centre-ville. Ne plus aller au restaurant. Ne plus aller voir sa famille. 

Notre monde s’est restreint, recentré sur un cercle bien plus petit. Certaines personnes ont eu beaucoup de temps libre, jusqu’à parfois s’ennuyer et acheter Animal Crossing sur Switch. Le vide est apparu pour la première fois dans beaucoup de vies. 

Pour moi, il s’est instantanément rempli. Avec plus de travail, plus de projets qui ressurgissent de ma pile « en attente », plus de sport à la maison, plus d’étirements (ma quête du grand écart avance), plus de lecture, plus de séries, etc. Mais, le 11 mai arrive, et avec lui les pique-niques au parc, les trajets en voiture, les séminaires, les évènements, les rendez-vous avec les potes, les soirées. Et même si on est raisonnables et qu’on minimise nos rapports sociaux pour éviter de se prendre une deuxième vague, tout cela redevient possible. Notre monde s’élargit de nouveau, l’horizon s’éloigne. 

Alors comment je fais, moi ? Comment je combine mes 30 minutes d’étirements avec 2 heures de pique-nique ? Comment je finis mon livre en allant voir une telle tout l’après-midi ? Comment je me lève à 8 heures pour faire mon sport si je rentre à 2 heures du matin de soirée ? Comment je termine mon projet Z (commencé pendant le confinement) tout en recommençant mon projet A (interrompu à cause du confinement) ? En somme, comment je combine ma vie de confinée avec ma vie d’avant ? 

A cela s’ajoute l’incertitude. Et le mariage d’un tel le 43 juillet ? Et le séminaire de fin d’études le 36 ? Et les vacances en Sologne ? Et mon père qui vit en Espagne ? L’incertitude qui jusque-là était repoussée (« de toute façon tant qu’on est confiné·e·s, ça ne sert à rien de se poser ce genre de questions »), toute cette incertitude ressurgit maintenant que les possibles semblent s’ouvrir. Sauf que moi, je ne suis pas prête. Je ne veux pas prendre le train pour aller à Paris pour mon séminaire. Je ne veux pas aller loin de chez moi. Je ne veux pas enchaîner les rendez-vous, que ce soit des ami·e·s, du professionnel, ou le Pape qui vient en visite. Je ne veux pas retourner à la salle de sport. Je ne veux pas toucher au volant de ma voiture. 

J’ai peur. Peur de ne plus en être capable, peur de ne pas pouvoir repartir dans la vie effrénée d’une jeune citadine atteinte de FOMO (Fear Of Missing Out : la peur de louper des trucs, des évènements, des opportunités, etc.). Peur d’avoir trop de projets en cours. Mon business de coaching. La traduction du bouquin de mon père. Le MOOC Permaculture pas terminé. La liste est longue, et je réalise que pendant ce confinement, je suis devenue une caricature de moi-même : une battante, avec 10000 projets en tête, mais terrifiée du monde extérieur. Une extravertie qui veut rester chez elle. Une tête de mule qui manque de temps. Une workaholic qui pensait ne jamais devenir comme sa mère, enchaînée dix heures par jour, sept jours sur sept, à son bureau. Et qui, maintenant, se demande si elle pourra voir sa meilleure amie, malgré son cours qu’elle n’a pas eu le temps de ficher. 

J’aurais voulu que le confinement me fasse grandir. Ce qu’il a fait, c’est sûr, c’est me mettre face à ma part d’ombre, celle que je ne veux pas regarder dans les yeux. La petite fille angoissée qui a peur que le grand méchant loup du dehors, la mange pour le goûter. La petite fille qui voudrait voir sa maman, mais sa maman habite trop loin pour ce déconfinement.

Quel long couplet de complainte ! Alors que je devrais être si heureuse de retrouver celleux que j’aime. Pourquoi j’ai écrit cet article ? Pour te déculpabiliser, si tu as ressenti la même chose. Pour qu’on se sente moins seul·e·s dans ces émotions contradictoires. ❤️

2 Commentaires

Camille 11 mai 2020 at 15 h 54 min

Merci Lou pour cet article. Je ressens un peu la même chose, à ma façon. Ton article me permet de réfléchir sur les mêmes angoisses que toi, mais sur ma vie, avec la peur de reprendre le travail avec des milliers de règles d’hygiènes à mettre en place, de pouvoir sortir mais en même temps de respecter des distances, et de ne plus avoir le temps de faire les projets que j’ai commencé, ni de juste prendre le temps de rester sur mon canapé sans rien faire… Bref. Merci pour ce que tu partages !

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Loupche 14 mai 2020 at 10 h 33 min

Je vois qu’on ressent les mêmes choses, mais tu as le stress du travail avec des normes très difficiles à maintenir en plus… Plein de bonnes ondes <3

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