Culture

Trois petits polars (à lire et relire au chaud)

Posté par Ju le Zébu 4 novembre 2017

Le roman policier (dont le petit nom en français est polar) a le vent en poupe et gagne ses lettres de noblesse. Le genre est extrêmement diversifié. Les ramifications sont nombreuses (le roman d’énigme, le roman noir, le thriller…) et ses racines trouvent leurs origines au début du XIXeme siècle, entre les influences du roman gothique, horrifique et de l’industrialisation montante (et donc la misère) mais aussi les progrès de la médecine. Les reines du crime britanniques sont passées par là également (Christie, PD James, etc) et le policier est devenu un véritable phénomène populaire.

Les grandes maisons d’édition ont toute développé leur branche « noire ». Chaque année en avril, se tient à Lyon le festival international Quai du Polar, un rendez-vous incontournable dont le succès ne cesse de croître. C’est à se demander ce que nous recherchons aujourd’hui dans la lecture de policiers, serions-nous à la recherche d’un bien plus grand monstre ?

On peut évidemment lire des enquêtes policières toute l’année, mais le fauteuil au bord de la cheminé allumée est tout de même bien tentant en cette saison (c’est de cette place que Miss Marple résout une grande part de ces enquêtes!). Et maintenant, que les journées s’obscurcissent, ne serait-il pas absolument temps de se plonger dans le sombre de l’âme humaine ?

Petite proposition d’un trio contemporains :

Viviane Elizabeth Fauville, Julia Deck

« Vous êtes Viviane Elizabeth Fauville. Vous avez quarante-deux ans, une enfant, un mari, mais il vient de vous quitter. Et puis hier, vous avez tué votre psychanalyste. Vous auriez sans doute mieux fait de vous abstenir. Heureusement, je suis là pour reprendre la situation en main ».

Nous sommes la tueuse. Nous pensons l’être. Très fragile psychologiquement, complètement aveuglée par sa paranoïa, quelques souvenirs uniquement font lumière, semblent certains. Comme notre bébé par exemple. Viviane ne l’oublie pas. Elle s’en occupe comme elle peut. Il y a le corps ensanglanté du psychanalyste aussi. Et la police à laquelle il faut échapper.

Julia Deck nous entraîne dans les déambulations parisiennes de cette quarantenaire, dans sa logique perturbée alors qu’en parallèle l’enquête pour meurtre suit son cours. Les points de vue alternent pour former un kaléidoscope confus. Tout est brouillé, surtout les pistes. Les frontières sont poreuses. Le thriller palpitant.

Viviane Elizabeth Fauville, Julia Deck, Les Editions de Minuit, 2012 (format poche disponible)

Sidney Chambers ou et l’ombre de la mort, James Runcie

Voilà un bon roman d’enquête britannique dans les règles de l’art ! James Runcie met en scène la vie d’un jeune et séduisant pasteur de campagne, Sidney Chambers, dans le village de Grantchester (proche de Cambridge) au cœur des années 1950. Les cicatrices de la guerre sont encore fraîches dans les mémoires et les comportements, mais les commérages et le crime surtout ne s’arrêtent pas. Le quotidien de Sidney Chambers devrait se remplir de ses obligations pastorales (qui constitue en elles-même une occupation à temps plein !). Il est pourtant continuellement réquisitionné (par ses paroissiens, son ami inspecteur et sa propre conscience) pour résoudre des affaires criminelles dépassant parfois le bien-être de ses oilles. Mais il s’agit déjà d’un pasteur peu conventionnel, qui boit des pintes, aime le jazz et admire la gente féminine. Il s’agit en fait d’un ecclésiastique particulièrement humain, moderne et plein d’humour. Le pasteur en plus de ses capacités intellectuelles, possède une sensibilité particulière et agit au nom de sa conscience plutôt que de se contenter des apparences. Son habit d’ecclésiastique lui permet de s’approcher de tous et d’éveiller soit la confiance, soit la soumission (on ne voudrait pas mentir à un prêtre aussi charmant). Le deuxième volume des aventures de Sidney Chambers est disponible en librairie.

Sidney Chambers et l’ombre de la mort, James Runcie, Actes Sud, Babel Noir, 2016 (format poche disponible)

Anima, Wajdi Mouawad

La femme enceinte de Wahhch a été violée, torturée et tuée. Un crime atroce, inhumain, incompréhensible. Lorsqu’il la découvre, il décide de se mettre à la poursuite du meurtrier, du monstre, non pas pour se venger mais pour comprendre. Et être sûr qu’il ne s’agit pas de lui. Sur cette route, cette en-quête, il remonte le fil de sa propre histoire, de sa propre âme. De l’Amérique sauvage dans laquelle il s’avance, il se rendra à son Liban natal.

Ce sont les animaux, sauvages et domestiques, qui se trouvent sur la route de Wahhch, qui sont les narrateurs. Cette narration non-humaine est en décalage avec le monde des hommes en apparence seulement et renvoie continuellement à l’animalité qui est en nous. Un inconscient violent. Le terme « anima » est d’ailleurs un terme de psychologie analytique pour désigné la représentation de la femme dans l’imaginaire de l’homme.

Anima, Wajdi Mouawad, Actes Sud, 2012 (format poche disponible)

Bonnes lectures !

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