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Qu’est-ce que l’écoféminisme ? 6 mots-clés

Posté par Loupche 20 février 2018

Cet article se fonde sur le recueil de textes écoféministes Reclaim, et particulièrement sur son introduction, rédigée par Emilie Hache, philosophe française. Elle y développe principalement l’écoféminisme des Etats-Unis, où il est le plus développé, bien qu’il existe également en Europe (en Angleterre, Italie et Allemagne notamment).

L’écoféminisme est une branche du féminisme extrêmement controversée, mais qui apporte de nouvelles façons de répondre aux problèmes que présente le système patriarcal actuel. J’ai décidé de te présenter ici une série de 6 mots-clés qui présente l’écoféminisme. Bien évidemment, je t’invite à lire le recueil Reclaim si tu souhaites avoir plus d’informations ; cet article ne peut pas être exhaustif au vu de la richesse du mouvement !

ÉCOLOGIE ET ANTI-CAPITALISME DES 80’s

Si l’on veut comprendre l’écoféminisme, il faut remonter à ses origines, dans les années 1980. A cette époque, le contexte politique est marqué par le début d’une crise écologique : course à l’armement nucléaire pendant la guerre froide, déforestations massives sur plusieurs continents, nombreuses famines en Afrique, etc. Les femmes se retrouvent pour manifester et révoquer le système de valeurs et politique actuel. De cette revendication résulte de nombreux textes volontairement non-académiques, c’est-à-dire des textes hybrides qui lient plusieurs disciplines (la théorie politique et la poésie, par exemple), dans le but de prendre le contre-pied du moule académique masculin.

NATURE

Dans le féminisme classique que nous connaissons tou.te.s, l’émancipation des femmes se perçoit comme un arrachement à la nature, au biologique, à tout ce qui nous rattache à notre corps. Le problème que voient les écoféministes, c’est que cette version de la libération des femmes exclut toutes celles qui ne rejettent pas cette identification et finit par condamner comme aliénées les femmes qui défendent ces tâches féminines ou féminisées (comme prendre soin des enfants). Il apparaît fondamental, dans l’écoféminisme, de construire un mouvement populaire, non-élitiste, ce pourquoi exclure la majorité des femmes est inenvisageable. Il faut donc créer un féminisme qui combine féminité traditionnelle et militantisme féministe radical.

Pour les écoféministes, ce n’est pas la nature en tant que telle qui pose problème, mais la dualité patriarcale nature/culture qui est imposée dans notre société, où l’identification des femmes avec la nature signifierait que les femmes sont inférieures parce qu’elles sont du côté de la nature, et la nature est inférieure parce qu’elle s’oppose à la culture (et qu’elle est féminine). Face à cela, le but de l’écoféminisme est de reclaim, à savoir se réhabiliter et se réapproprier la nature détruite, dévalorisée, et modifier sa perception. Il n’y a pas de notion de retour en arrière ou de position réactionnaire, mais de réparation et invention dans le présent. Par ailleurs, les hommes ne sont pas exclus de cette lutte politique ou de la nature même. La conclusion est simple : les femmes sont proches de la nature, les femmes font partie de la nature, et si les hommes rejettent leur propre appartenance à la nature, c’est qu’ils ont un problème !

CORPS

Dans la culture patriarcale où nature et culture sont impossibles à marier, les femmes ne sont jamais gagnantes ! Soit on est un corps sans esprit, soit on est un esprit sans corps. Et il est assez constant de maintenir tout au long de sa vie un rejet voire une haine de son propre corps. La première étape de la réappropriation de notre féminité, selon l’écoféminisme, est d’apprendre à aimer son corps en tant que corps de femme : apprendre à ne pas dénigrer ses menstruations, son pouvoir de donner la vie ou encore l’entrée dans la ménopause, aimer tous les différents corps féminins et les multiples désirs sexuels.

SORCIÈRES ET DÉESSE

 A l’aube des religions, dieu était femme. Vous en souvenez-vous ? »               – Merlin Stone

Cette partie de l’écoféminisme est particulièrement rejetée en Europe, car elle délégitimerait la cause pour son aspect spirituel. Pourtant, refuser la réécriture du divin par les écoféministes serait tronquer le mouvement d’une partie essentielle. Ainsi, elles reconstituent les récits religieux au fondement de notre culture, c’est-à-dire la séparation du sacré et du monde qui crée un dieu transcendant à l’origine de la destruction de la nature et des femmes. A cause de ce récit commun aux religions monothéistes actuelles, la nature devient la servante de dieu et, symétriquement, les femmes deviennent les servantes de l’homme créé à l’image de dieu. Pour résumer, les écoféministes dénoncent un dieu mâle, une religion patriarcale qui a volé le sacré au monde et qui hait les femmes.

Ce serait donc par la redécouverte du culte de la Déesse pré-indoeuropéen (qu’on retrouve dans des travaux archéologiques en Europe, en Inde et dans certaines cultures africaines et amérindiennes) que les femmes pourront se reconnecter avec ce qui nous rend puissantes. Cette Déesse païenne a été rapidement détruite après l’apparition des grandes religions monothéistes, mais se souvenir de son existence permettrait de se souvenir d’un passé non-patriarcal. Cela ne veut pas dire que toutes les écoféministes sont néopaïennes, mais la redécouverte de ce passé est fondamental pour saisir le mouvement dans son entièreté. C’est d’ailleurs de là que vient le surnom que se donnent les écoféministes, « sorcières ». Par ce titre utilisé dans le passé pour vénérer la Déesse (avant que sorcières et sorciers soient considéré.e.s comme des suppôts de Satan), les écoféministes revendiquent la richesse féminine d’un savoir sacré, ancré dans la nature et une connaissance au-delà de l’académique.

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