Culture

Les expressions françaises [3/3]: La cerise sur le gâteau!

Posté par Marie 20 juin 2018

Sans même que nous nous en rendions compte, nos phrases sont truffées d’expressions, et pourtant nous les utilisons souvent sans savoir d’où elles viennent ! Elles en disent long sur l’histoire de la langue française… Voici l’explication de quelques-unes d’entre elles.

Il est évident que nos aliments n’ont pu faire autrement que d’intégrer notre belle langue française, puisqu’ils sont une source de préoccupations quotidiennes nous accompagnant, pauvres mortels, depuis toujours. Les fruits et légumes peuplent de manière particulièrement intense nos expressions imagées ; pourquoi donc ?

Cette prépondérance végétale peut être facilement expliquée. Les fruits en particulier sont teintés d’une forte coloration biblique et mythologique, ce qui les rend aptes à intégrer un grand nombre d’expressions imagées ; ne dit-on pas « pomme d’Adam », en référence à la Genèse, ou encore « Fruit de la discorde », par rapport à ce fameux fruit qui aurait déclenché la guerre de Troie ? Leur rapport étroit à la terre et aux saisons, ainsi que leur caractère sensuel et sucré, fait des fruits des éléments privilégiés dans les expressions métaphoriques de toutes sortes.

En outre, l’argot local, la langue des plus pauvres, a toujours été la plus grande matrice de création d’expressions figées, et la vie de ces derniers était rythmée par la culture des fruits et légumes que donnaient les terres qu’ils et elles travaillaient. Ainsi, il n’est guère étonnant qu’ils aient intégré leur langage courant ! Par exemple, l’expression « pour des prunes » a des origines commerciales ; la prune était un fruit ne valant pas beaucoup puisque facilement cultivé sur tous types de terre. Cette expression apparaît au 13ème siècle dans la tournure « Vendre une prune pour deux œufs », qui signifiait « Se faire avoir au marché » ; au fur et à mesure, l’expression s’est simplifiée et « pour des prunes »  et veut aujourd’hui dire « Pour quelque chose n’ayant aucune valeur » ! Une légende dit que des soldats partis en croisade au 12ème siècle seraient revenus en France après un échec cuisant et auraient montré au Roi de simples pieds de pruniers récoltés à Damas comme unique lot de consolation, et que celui-ci se serait exclamé « Tout cela pour des prunes ! ». Malheureusement, cette histoire pourtant bien drôle est tout à fait fausse ! Et chez Berthine, on ne dit que la stricte vérité, on ne raconte pas de salade ; d’ailleurs, si cette expression existe, c’est à cause d’un tour de passe-passe toujours très utilisé aujourd’hui : faire une salade pour masquer la pauvre qualité des ingrédients utilisés en les mélangeant tous ensemble !

De même, l’expression « mi-figue mi-raisin » a des origines également commerciales, bien qu’elles soient plus discutables. Ces deux fruits sont très couramment associés dans les représentations linguistiques et artistiques du 12ème au 16ème siècle car il s’agissait des deux aliments habituellement consommés en temps de Carême ! Mais les raisins secs valaient alors infiniment plus que les figues (oui, les temps ont bien changé) ; ainsi « mi-figue mi-raisin » voulait dire à l’origine « moitié bon moitié mauvais ». La légende dit que cette expression serait née du fait d’un marchand corinthien qui, dans un grand sac de raisins, aurait caché quelques figues pour essayer de tromper celui ou celle à qui il souhaitait vendre ce sac… Mais il n’y a aucune preuve que cette histoire soit réelle ! Cependant, l’importance du commerce de fruits secs en période de Carême à cette époque était si forte qu’il est très probable que cette expression, qui veut aujourd’hui dire « à moitié sérieux et à moitié en plaisantant », vienne d’un nombre important d’histoires d’escroqueries sur les marchés.

Les carottes, considérées comme le légume du pauvre, symbolisent une grande misère culinaire ; ainsi, lorsque les carottes sont cuites, c’est la fin pour la personne qui se retrouve obligée de consommer ces fichues racines ! Cette expression était auparavant une litote pour désigner la mort ; aujourd’hui elle signifie la fin de quelque chose au sens plus large. Tiens, justement, « la fin des haricots » est une expression beaucoup plus récente mais qui ne va pas sans rappeler « Les carottes sont cuites ». Car dans les grands internats d’enfants au 19ème siècle, lorsqu’on n’avait plus rien à servir aux repas… On servait des haricots ! Tout comme « les carottes sont cuites », « la fin des haricots » fait donc référence à une extrême pauvreté et une absence de solutions.

Parmi les expressions fruitées les plus utilisées, il y a la fameuse « tomber dans les pommes », au centre de deux théories linguistiques opposées ! Pour certain.e.s, « pommes » ne désigne pas le fruit mais serait issu de l’ancien verbe « pâmer » qui voulait dire « s’évanouir » et qui aurait glissé lentement vers le mot bien plus commun «pommes ».. Mais cela n’expliquerait pas la tournure « tomber dans les pommes » ! Pour d’autres, l’inventrice de cette expression ne serait nulle autre que la grande George Sand qui dans une lettre à son amie Mme Dupin, se dit « être dans les pommes cuites » pour témoigner de son état d’immense fatigue…

Mais d’ailleurs, en parlant de mystère, savez-vous d’où vient l’expression « avoir la pêche » ? Non ? Eh bien c’est normal, car il s’agit d’un grand mystère que personne n’a jamais su élucider ! Alors si vous avez une théorie plausible je vous suggère de ramener votre fraise (la fraise a toujours symbolisé le visage de quelqu’un) et de la proposer aux linguistes qui cherchent, en vain, une réponse mais qui font chou blanc (une expression issue d’un ancien jeu de quilles où « faire chou blanc » signifiait ne marquer aucun points) depuis de nombreuses années!

 

Chaque expression est riche de sens, et il en existe des centaines ! Si le sujet vous intéresse autant que moi, je vous invite à vous procurer le Larousse des Expressions et Locutions Françaises: c’est une véritable bible, dans laquelle j’ai tendance à me perdre pendant des heures ! Et sinon, il y a évidemment mes autres articles à ce sujet que vous pouvez consulter ici et ici.

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