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J’ai jamais lu « La Princesse de Clèves », c’est grave Docteur ?

Posté par Marie 11 septembre 2017

Nous vivons dans une ère où il vaut mieux accumuler ses savoirs, plutôt que de les approfondir. Ainsi, tandis que certain.e.s aiment donner leurs avis sur des sujets d’actualité dont ils ne connaissent en réalité que ce qu’il y a dans les gros titres du Monde, d’autres adorent se vanter d’avoir lu ceci ou vu cela à longueur de journée.

L’augmentation des sources d’information disponibles via le développement d’internet et des moteurs de recherche, couplée à une diminution de la moyenne de temps libre par personne (cette équation est une vaste simplification du phénomène, bien sûr) a résulté en une surenchère de la synthétisation des savoirs. Alors que les livres de recette « Simplissimes » cartonnent, vous pouvez lire « La culture générale pour les Nuls » et, en moins de 200 pages, briller en société. Génial, non ?

Sauf qu’au final, à force d’emmagasiner, ne perdons-nous pas le goût des choses ? Est-ce que le temps qu’on passe derrière les fourneaux ne donne pas toute sa beauté à la cuisine, et ses 800 et quelques pages ne confèrent-elles pas au Comte de Monte Cristo son charme si étrange ?

Je ne vais pas vous mentir : c’est quand même bien pratique de savoir parler de ce qu’on n’a jamais fait, ou lu, ou vu. Lire une simple synthèse d’un roman plutôt que de le lire m’a parfois non seulement économisé beaucoup de temps et d’énergie, mais m’a aussi permis de gagner quelques points dans mes copies, que ce soit au collège ou à la fac. Finalement, le plus problématique ce n’est pas la synthétisation des savoirs, mais le fait que celle-ci soit presque obligatoire.

En France, nous évoluons dans une société où la culture est une véritable fierté nationale, et on ne cesse de nous le rappeler. Victor Hugo, Monet, Edith Piaf et la ratatouille composent cette « culture française » avec laquelle on nous biberonne dès les petites classes. Si bien que, pour se distinguer, il ne suffit pas de savoir parler des choses qui la composent ; il faut savoir parler de toutes les choses qui la composent, tant pis si l’originalité du discours tenu passe à la trappe. Ainsi, ce n’est pas grave en soi d’avoir fait l’impasse sur la connaissance de ces classiques culturels, encore faut-il pouvoir l’assumer !

Mais en allant dans le sens de cette culture un peu trop générale, on établit un climat de compétition constante. Qui ne s’est jamais senti.e inférieur.e face à un Jean-Grégoire qui, un verre de rouge à la main, vous énumère toutes les œuvres de Balzac qu’il a lues et s’émeut devant la filmographie de Mankiewicz dont vous ne connaissez à peine les titres ? Qui n’a jamais hoché de la tête en faisant semblant de comprendre ce dont la famille parle à table, alors que vous n’y comprenez pas un mot ?

Plutôt que de prétendre maîtriser tel sujet ou savoir confectionner tout ça, peut être devrions-nous prendre le temps de bien connaître les choses qui nous parlent, et d’admettre nos lacunes lorsque ce n’est pas le cas.

C’est plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous, allez je me lance !!! Je suis en Master de lettres et je n’ai jamais lu La Princesse de Clèves. *Se barricade dans son appart’ et redoute la lapidation*

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